Le "Front judiciaire franco-belge" pendant la guerre d'indépendance algérienne. Avocat(e)s et militant(e)s des droits humains en réseau de part et d'autre de la frontière belge - M. Paul-Emmanuel Babin - 24 avril 2025

Soutenance de thèse

M. Paul Emmanuel Babin soutiendra sa thèse d'histoire du droit le 24 avril 2025 à 14h en salle des Actes de la FSJPS ( 1 place Déliot Lille). Elle a été préparée sous la direction de Florence Renucci, directrice de recherche au CNRS, au sein du CHJ.

Membres du jury

Mme Florence RENUCCI  IMAF- Aix-Marseille Université  Directrice de thèse 
M. Jérôme DE BROUWER  Faculté de Droit et de Criminologie, Université Libre de Bruxelles  Rapporteur 
Mme Francine BOLLE  Faculté de Philosophie et Sciences sociales, Université Libre de Bruxelles  Examinatrice 
Mme Hélène DUFFULER   Faculté de droit, Université d'Artois  Examinatrice 
M. Sébastien LE GAL  Faculté de droit, Université de Grenoble Alpes  Rapporteur 
Mme Sylvie THÉNAULT  CNRS  Examinatrice 
Mme Silvia FALCONIERI  IMAF Paris  Examinatrice 
Mots-clés : avocat,guerre d'algérie,belgique,FLN,crime de colonialisme,défense politique
Résumé :  

Inscrire la guerre d’indépendance algérienne dans une histoire des avocats implique de mettre en avant la figure peu consensuelle de « l’avocat militant ». Dans ce contexte particulier de la décolonisation, il s’agit de comprendre comment un avocat peut être en même temps militant d’une cause politique en acceptant de s’écarter du cadre de la légalité. Réunis dans un collectif pour défendre les nationalistes algériens, membres de la Fédération France du Front de Libération Nationale (FF FLN), ces avocats mobilisent des arguments de droit, tant dans « l’arène judiciaire » qu’en dehors. En cela, ces avocats engagés ont mis en place une stratégie de défense inédite consistant à réunir un « front judiciaire » composé de praticiens et de théoriciens du droit à l’intérieur d’un réseau franco-belge. Dans la pratique, leur conception de la défense politique ne se résume pas à la « défense de rupture », tant s’en faut. L’originalité de leur approche réside plutôt dans le fait d’agir en liaison avec d’autres militants des droits humains qui, eux, se définissent plutôt comme des activistes agissant contre la législation d’exception. Ces activistes, appelés aussi communément « porteurs de valises », proposent des réponses militantes qui peuvent être légales et humanitaires, mais aussi illégales et politiques, puisque franchir la frontière brouille toutes ces distinctions. Si cette recherche revendique son inscription dans une « histoire au ras des vies », son objectif est de pouvoir distinguer les principaux enjeux de la « juridicisation » de la cause algérienne réalisée par un réseau d’acteurs. L’analyse des interactions à l’intérieur de la nébuleuse qui s’étend entre Paris et Bruxelles permet de comprendre tout d’abord l’implication de la Belgique dans la guerre d’indépendance algérienne. Elle offre ensuite la possibilité de faire apparaître un fait jusqu’à présent méconnu : il s’agissait principalement d’un collectif d’avocates et d’un réseau européen du soutien dirigé par des femmes, dont l’action a été déformée par la vision genrée de leur action. Enfin, cette recherche met en relief le véritable apport doctrinal des avocats de la FF FLN, et tout particulièrement des avocats belges, par rapport à la possibilité de poursuivre les crimes commis pendant la guerre d’indépendance algérienne. Anticipant les lois d’amnistie, ils ont voulu constituer un crime sui generis, à partir d’une réflexion sur les éléments spécifiques du « crime de colonialisme » en droit international, réflexion qui écartait les autres infractions concurrentes. Une nouvelle analyse de la solution proposée par ces avocats engagés rend plus complexe un débat essentiellement juridique dont les prolongements dépassent le cadre étudié.